Bolivie et Lithium

La Bolivie, l’Arabie Saoudite du Lithium

L’élection du président aymara Evo Morales en 2005 a fait surgir une nouvelle dynamique dans l’ensemble du pays, notamment au regard des nombreux enjeux énergétiques que la Bolivie connaît actuellement. La large réélection de ce dernier en 2009 (64% des suffrages exprimés) a conforté sa politique dans les domaines énergétiques ainsi que sa posture dite chaviste vis-à-vis de la communauté internationale. Le pays dispose de nombreuses ressources dans son sous-sol (étain, argent, zinc, fer, or) mais aussi d’importantes réserves d’hydrocarbures (gaz, pétrole) exploité par des multinationales étrangères. Pourtant, l’exploitation du lithium suscite de nombreuses questions et interrogations, notamment sur l’épuisement des ressources naturelles.

Le lithium, ou la nouvelle ruée vers l’or

Dès sa prise de fonction, Morales a nationalisé les hydrocarbures et renégocié les revenus issus de sa production : avant 2005, 82% des bénéfices revenaient aux firmes multinationales, 18% pour l’Etat bolivien. C’est l’exact opposé aujourd’hui. Ce contexte de reprise en main des bénéfices énergétiques influe aujourd’hui sur les enjeux liés à l’exploitation du lithium. En effet, Evo Morales a annoncé que la Bolivie posséderait les plus grandes réserves de Lithium au monde, dans le Salar d’Uyuni, lac salé asséché de 12500km² situé au sud du pays, à 3650 mètres d’altitude.

Le lithium est un métal mou, utilisé pour la production de verre, de céramique, de lubrifiant mais aussi dans l’aéronautique et la pharmacologie, issu d’un alliage avec l’aluminium. En termes d’enjeux économiques et géopolitiques, le lithium est usé comme composant de plusieurs pièces pour les ordinateurs, les téléphones portables et les batteries de voitures. En termes d’enjeux économiques, entre 2003 et 2010, le marché des téléphones portables a été multiplié par trois et celui des ordinateurs, par six.

Le marché de la voiture électrique explose

Concernant le marché de l’automobile, l’avenir des batteries électriques et des voitures électriques est prometteur : une batterie pouvant alimenter une voiture pendant 160 kilomètres entre deux recharges, avec une durée de vie d’approximativement cinq ans (donc bien supérieur à une batterie dite traditionnelle). Le marché mondial est en forte hausse, représentant 11,70 milliards USD en 2012, et devrait atteindre 33,11 milliards USD en 2019, soit un taux de croissance de plus de 14% pour la période 2013-2019; statistique appuyée par une étude du groupe AVERE-France, selon lequel le marché des véhicules électriques représentera en 11 et 30 % du marché mondial en 2030.

Dans une période où les automobilistes sont soucieux de réduire leurs émissions de CO2 en voiture, le marché de électrique, avec les innovations technologiques constantes, a de beaux jours devant lui.

Le triangle d’or du Lithium

L’importance du « triangle d’or du Lithium » (Salar d’Uyuni en Bolivie/ Salar d’Atacama au Chili/ Salar d’Hombre Muerto en Argentine) suscite donc un fort intérêt des firmes transnationales. En outre, la compagnie minière bolivienne Comibol a annoncé que les réserves de Lithium du Salar d’Uyuni se situeraient entre 100 et  140 millions de tonnes. Evo Morales a donc la possibilité de dicter ses règles, conformément à la stratégie nationaliste qu’il a mise en place depuis près de dix ans.

La stratégie a très bien fonctionné, car dès l’annonce des potentielles réserves, plusieurs grands  groupes (Japon, Corée du Sud, France avec le groupe Bolloré) se sont positionnés pour l’exploitation et l’exploration du Lithium auprès du gouvernement bolivien, avec une surenchère économique à la clé. Par ailleurs, d’autres groupes ont tenté un rapprochement politique en vue d’obtenir la signature du contrat, dans le cadre de relations bilatérales entre Etats (Brésil, Chine, Iran et la Russie).

La Bolivie, face à un enjeu crucial pour son développement économique, cherche à se vendre au plus offrant. Cependant, une partie de la population, notamment autour de la région de Potosi, auquel appartient le Salar d’ Uyuni, émet de vives critiques, liés au risque de détérioration environnementale de ce site patrimoine mondial de l’UNESCO. Le président Morales,  souhaitant calmer les craintes des populations locales, à récemment émis l’idée de développer par des entreprises nationales l’exploration et l’exploitation du lithium. Mais ses efforts semblent plus révéler une volonté de calmer les tensions locales plutôt que de nationaliser le lithium ; la Bolivie n’ayant pas les technologies nécessaires afin de développer seul cette ressource.